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24 juin 2019 1 24 /06 /juin /2019 19:43

Ce 25 juin 2019, la commune de Tourlaville (banlieue de Cherbourg en Cotentin) prépare la cérémonie commémorative dédiée à Jean Piquenot, pilote de la légendaire escadrille franco-russe "Normandie-Niémen", tué en Prusse orientale (actuellement oblast de Kaliningrad) en janvier 1945.

Nous vous proposons ce récit écrit par Me Yves Loir pour mieux connaitre ce héros normand Jean Piquenot. 

UNE  FAMILLE  AUX  ATTACHES   LOCALES  TRÈS  ANCIENNES

 

Aussi loin que l'on remonte dans l'ascendance de Jean Piquenot (courant 18ème siècle), que ce soit du côté  paternel ou maternel, on retrouve deux traits qui la caractérisent. Tout d'abord un enracinement familial localisé au nord de la presqu'île du Cotentin et particulièrement dans les environs de Cherbourg et ensuite une appartenance à un milieu social modeste. En remontant au début du 19ème siècle, on trouve ainsi un Michel Piquenot, exerçant la profession de maçon, né en 1816 à Picauville et décédé à Tourlaville en 1860. Son fils Constant, né en 1847 à Equeurdreville, menuisier, se marie avec Pauline Lucas, couturière à Cherbourg. Pendant tout le XIXème siècle on retrouve ainsi des Piquenot qui présentent les deux caractéristiques mentionnées précédemment. Du côté maternel (Marion), même constat, on trouve un Jules Marion né en 1861 à Fermanville épousant Maria Dodeman née à Tourlaville en 1862. Le père de Jean, le pilote, André Piquenot est né, lui, en 1891 à Cherbourg. Cependant que sa future épouse, Jeanne Marion couturière, naît en 1896 à Tourlaville.

LA  JEUNESSE  DE  JEAN   PIQUENOT

 

De lointaine ascendance locale ainsi qu'on vient de le voir, André Piquenot, le père de Jean, est, très tôt, fortement intégré dans le tissu économique cherbourgeois puisqu'il entre, à l'âge de vingt ans en 1911, à ce qu'on appelle alors l'« Arsenal », ( construction navale militaire - aujourd'hui «Naval- Group») véritable institution  à Cherbourg. Il exerce le métier de chaudronnier en fer qu'il pratiquera jusqu'à son départ en retraite en 1951.  En 1913 il est appelé sous les drapeaux au titre du service militaire et est incorporé au 50è régiment d'artillerie. En août 1914, quand commence la première guerre mondiale, André Piquenot est incorporé au 13ème Régiment d'artillerie. Il y restera jusqu'au delà de la fin de la guerre et ne sera démobilisé qu'en août 1919. Peu de temps après son retour des armées, le 10 novembre 1919 il se marie à Cherbourg avec Jeanne Marion. De cette union est né un fils, Jean le 5 avril 1918 que son père va reconnaître après sa démobilisation. L'accouchement de la mère a lieu dans une « Maison de naissance » tenue par une sage-femme à Antony près de Paris hors de la présence du père qui se trouve alors à l'Armée. Est-ce que le fait que l'enfant soit né hors mariage a incité ses parents à ce qu'il en soit ainsi afin d'éviter de possibles « rumeurs » négatives à Cherbourg à une époque ou il n'était pas courant de transgresser les règles habituelles de la vie en société? Ou existe t-il une autre raison à cet état de chose? Quoiqu'il en soit aussitôt le père  démobilisé (en 1919), il va reconnaître immédiatement l'enfant.

    Le couple Piquenot et leur fils vont habiter rue des Carrières, puis rue Victor Grignard à Cherbourg.

Dans les années trente, la vie de Jean Piquenot va prendre un tour actif et éclectique. L'adolescent pratique en effet le sport, la gymnastique à l'association « Les Enfants de Cherbourg » et la natation au « Club nautique cherbourgeois » mais il est aussi mélomane à ses moments perdus et joue du hautbois. Mais bientôt une autre passion va le saisir : l'aviation. Est ce l'actualité de l'époque qui la suscite? Ce ne serait pas invraisemblable car celle-ci pendant l'entre deux guerre est dense: c'est en effet l'époque de l'aviation commerciale naissante avec la création de la « Compagnie

aéropostale » avec ses héros Mermoz, Guillaumet, Saint Exupéry … , et de la Compagnie « Air-France ». Le souvenir des pilotes militaires de la première guerre mondiale, tel que Guynemer par exemple, est aussi présent. Mais devenir pilote n'est pas à la portée de toutes les bourses. Le gouvernement du « Front populaire » en 1937 va démocratiser la pratique du pilotage avec la création de l' « Aviation populaire ». Un « bon ange » va veiller aussi sur Jean Piquenot, en la personne de l'ingénieur Henri Cornat passionné d'aviation et créateur de l'Aéro-Club de Cherbourg - Maupertus qui va encourager et aider le jeune Piquenot à vivre sa passion. Au cours de l'été 1936 Jean Piquenot, alors âgé de 18 ans, accomplit ses premiers vols à l'aéro-club de Cherbourg et l'année suivante, le 23 juin 1937, il passe son brevet de pilote civil. Toutes ces activités « sérieuses » ne l'empêchent pas d'être facétieux et acrobate quand l'occasion se présente : c'est ainsi qu'il rentre chez lui quelquefois par la lucarne.

JEAN  PIQUENOT  PENDANT LA  SECONDE GUERRE MONDIALE

 

Le 22 avril 1938, alors que les bruits de bottes se font entendre en Europe notamment en Italie et en Allemagne ou le Chancelier Adolf Hitler gouverne le pays d'une main de fer depuis 1933 par le biais d'un parti unique, le parti national-socialiste (nazi), Jean Piquenot s'engage pour trois ans dans l'Armée de l'Air. Il est d'abord affecté au Bataillon de l'Air n°109 de Tours. Il est ensuite envoyé à la base école d'Angers ou il passe son brevet de pilote militaire le 1er août 1938. Il est nommé sergent le 14 décembre de la même année. Le 12 janvier 1939 il est affecté au Bataillon de l'Air n°125 d'Istres en école de perfectionnement. Le 7 août 1939 il est dirigé sur le groupe aérien d'observation n°502 d'Amiens. C'est là que le surprend la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne le 3 septembre 1939 en réponse à l'attaque de la Pologne par Hitler le 1er septembre. Aucune opération militaire notable n'a lieu jusqu'au 10 mai 1940 (période de la «drôle de guerre»). Ce jour là l'armée allemande déclenche une offensive foudroyante dans le secteur de Sedan («blitzkrieg») et se dirige rapidement vers la côte de la Manche qu'elle atteint le 20 mai à Abbeville encerclant les troupes franco-britanniques se trouvant au nord.

  

Après le ré-embarquement de l'armée britannique en Grande Bretagne via Dunkerque et la déclaration de guerre de l'Italie le 10 juin 1940, la France se trouve dans une situation désespérée. Le 22 juin 1940 le gouvernement dirigé par le maréchal Pétain demande un armistice à l'Allemagne cependant qu'un général français jusqu'alors inconnu, Charles de Gaulle, de Londres, appelle à la poursuite de la lutte et  rassemble à l'extérieur du territoire métropolitain les soldats français ayant échappé à la capture. Les clauses de l'armistice de juin 1940 prévoient entre autres que la France est divisée en deux zones, l'une au nord de la Loire est occupée par les Allemands tandis que la zone sud est libre. Le Gouvernement du maréchal Pétain établit son siège à Vichy. A cette époque la France dispose d'un vaste empire colonial à travers le monde notamment en Afrique centrale  et occidentale ainsi qu'au Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie). A l'exception de quelques territoires ralliés à De Gaulle, le gouvernement de Vichy garde sous son contrôle la plus grande partie de cet « empire ».

Le 23 juin 1940 au moment ou l'armistice franco-allemand est signé, Piquenot avec son unité se replie sur la base de Pau en zone dite «libre» (non occupée par les Allemands).  Piquenot est ensuite affecté au Groupe de Transport (G.T ) 1/15 à Istres.

JEAN  PIQUENOT  EN AFRIQUE  DU  NORD

 

      En décembre 1941, le G.T 1/15 est transféré sur la base de Rabat-Salé au Maroc. En Novembre 1942 les forces américaines débarquent au Maroc et en Algérie. Les troupes françaises fidèles à Vichy s'y opposent dans un premier temps puis, après la rupture de l'armistice par les Allemands (invasion par ceux-ci de la zone sud jusqu'alors non occupée en France) reprennent la lutte contre l'Allemagne sous la direction du Général Giraud évadé d'Allemagne quelques mois plus tôt.

    Après l'union De Gaulle-Giraud intervenue en juin 1943, les forces françaises terrestres maritimes d'Afrique «giraudistes» se réunifient avec les forces rassemblées par le Général de Gaulle depuis 1940 (« Français libres -gaullistes »). 

Les pilotes de l'Armée de l'Air française reconstituée vont se battre sur différents théâtres d'opérations aux côtés des Alliés occidentaux (anglais et américains) mais aussi orientaux (Russie soviétique). En effet, le 1er septembre 1942 à Rayack au Liban, alors sous administration française, le Général de Gaulle a crée une unité  aérienne , le Groupe « Normandie », destiné à combattre aux côtés des Russes dont le pays a été envahi par Hitler en juin 1941. Mais les pertes très importantes subies par le groupe français confronté aux Allemands depuis la fin 1942 imposent de lui envoyer des renforts pour combler celles-ci. A plusieurs reprises de nouveaux pilotes français sont donc acheminés vers l'URSS via le Caire, Bagdad, Téhéran et Moscou et de là dirigés sur la base sur laquelle ils sont installés à un moment donné et qui se déplace continuellement pour suivre l'avance vers l'Allemagne des armées russes. Basé en Afrique du Nord, Jean Piquenot va faire partie d'un de ces contingents de renforts envoyés sur le front de l'Est.

VOLONTAIRE AU « REGIMENT « NORMANDIE- NIEMEN » SUR LE FRONT RUSSE

 

Après les victoires soviétiques majeures de Stalingrad et de Koursk en 1943 en décembre de la même année, victoires qui changent le cours de la guerre, l'Etat  major de l'Armée rouge, la STAVKA, prévoit une grande offensive pour l'été 44 concomitante avec le Débarquement de Normandie pour permettre la réussite de celui-ci. Cette offensive générale qui va prendre le nom de « Bagration » va démarrer effectivement en juin 1944 et provoquer en quelques semaines l'effondrement  de tout le dispositif allemand à l'Est. Cette offensive va voir une avancée considérable de l'Armée soviétique qui atteint en septembre la frontière de la Prusse orientale allemande. C'est au début de la première offensive russe en Prusse orientale que Jean Piquenot arrive le 17 octobre 1944, sur la base d'Antonovo en Lithuanie en compagnie de six autres pilotes. Le «Normandie-Niémen» va particulièrement s'illustrer au cours de cette première campagne. Mais du fait de la résistance acharnée des Allemands, l'offensive soviétique en Prusse orientale déclenchée en octobre 1944 va marquer le pas jusqu 'au début de l'hiver et va reprendre dans la première quinzaine de janvier 1945. Entre octobre 1944 et janvier 1945 Jean Piquenot va participer aux activités du « Normandie-Niémen ». Un événement notable non militaire auquel  va être amené à participer Jean Piquenot est la visite du Général de Gaulle à Moscou en décembre ou le Chef du Gouvernement provisoire est venu signer avec J. Staline, le dirigeant de l'URSS, un « Traité d'assistance mutuelle » entre la France et l' URSS. Pour le déplacement, les Russes vont mettre à la disposition des pilotes français un train spécial les amenant de Kaunas en Lithuanie à la capitale russe. Un accueil inoubliable est réservé à Moscou par les autorités russes aux pilotes du « Normandie-Niémen. Ceux-ci vont également être reçus par le Général de Gaulle dans la capitale russe et pour certains d'entre eux se voir remettre des décorations prestigieuses décernées également à des militaires russes de haut rang.  Les pilotes français partis le 7 décembre 1944 de Kaunas vont quitter Moscou le 12 décembre avec - nous dit leur journal de bord - «une pointe de cafard» étant donné la chaleur de l'accueil qu'il ont reçu. Ils arrivent le 14 décembre à leur cantonnement de Sterki puis Gross Kalveitchen en Prusse orientale. Le « Normandie-Niémen » , sous le commandement du Colonel Delfino, comprend alors trois escadrilles. Piquenot fait partie de la 1ère commandée par le Capitaine Challe. De nombreuses missions sont assurées par le Régiment pendant la deuxième quinzaine de décembre et le début janvier 1945 quand les conditions météorologiques le permettent car, en dehors du froid très vif (couramment -30°), les périodes de bonne visibilité alternent avec les mauvaises (brouillard ou neige).

LA MORT  DE  JEAN  PIQUENOT

 

     Au début du mois de janvier 1945, les missions de routine se poursuivent mais le 11 janvier,  le commandement soviétique annonce le déclenchement imminent de la seconde campagne de Prusse orientale. Le «Normandie-Niémen» quitte la base de Gross- Kalveichen pour Dopienen au nord-est d'Insterburg à environ 80 kms à l'Est de Koenigsberg. L'offensive commence le 13 janvier, après une intense préparation d'artillerie. Les 14 et 15  janvier, les premiers succès sont enregistrés (plusieurs Me-109 (Messerschmitt) et FW (Folk-Wulf) sont abattus par les pilotes français. Le 16 janvier, l'Aspirant Roger Sauvage emmène avec lui cinq Yaks dont celui de Piquenot. Sauvage poursuit un FW en rase-mottes. Celui-ci accroche les arbres et se désintègre. Un autre pilote, Ougloff abat un FW et d'autres succès sont enregistrés. Sauvage a raconté dans un ouvrage autobiographique paru après la guerre la conversation qu'il a eu à cette occasion avec Piquenot après l'engagement ; «Ça va Piquenot ? - lui demande-t-il.  Et Sauvage ajoute «Le petit Piquenot, le benjamin de la «une» plein d'allant et de feu, qui n'a jamais figuré dans de pareilles bagarres lui répond «J'ai eu peur, j'ai tiré. Je n'ai rien vu, mais bon Dieu que c'est excitant». Le lendemain 17 janvier, Piquenot aura moins de chance. Ce jour là, la 1ère escadrille est d'alerte. Elle comprend deux patrouilles de 4 avions. La 1ère d'entre elles engage immédiatement le combat près de Goumbinnen avec 12 FW- 190, deux sont abattus.

 

La deuxième patrouille (dont font partie Sauvage et Piquenot) attaque des FW -190 au moment où ils piquent sur leurs objectifs au sol. Deux chasseurs russes viennent soutenir les Français mais un grand nombre de Me-109 allemands font leur apparition et un combat inégal en résulte. Le lieutenant Charras parvient à se soustraire aux avions allemands mais près de Instersburg- Kussen (aujourd'hui Tcherniakhovsk) près de Koenigsberg (aujourd'hui Kaliningrad), le Yak 3 de Piquenot est touché et s'abat en flammes derrière les lignes allemandes. On ne retrouvera ni son corps ni la carcasse de l'avion. Un monument dédié aux pilotes français du «Normandie-Niémen» a été érigé il y a quelques années par la Municipalité de Kaliningrad, dans cette localité, non loin des lieux où est tombé Jean Piquenot et certains de ses compagnons.

   Après la guerre, le 17 janvier 1947, à Tourlaville, en l'Eglise Notre-Dame, un service religieux sera célébré à la mémoire de Jean Piquenot, à la requête de la famille, du Commandant Matras et du Groupe  «Normandie-Niémen ».

                        

                                                                                                        Yves Loir

                                                                                                12  octobre  2018

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commentaires

W
This international appropriate community recognizes identical sources connected with international rules as may the U . s . States' appropriate system. The three types of international rules are expressed and defined from the Restatement (Finally) on the Foreign Contact Law of north america (R3dFRLUS), Portion 102.
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R
Bonjour,<br /> Avant tout félicitations pour cet article qui m'a beaucoup intéressée. <br /> J'ai lu sur wikimanche "Son patronyme est parfois orthographié Picquenot". En tout cas, mon père, qui était de Cherbourg et travaillait à l'arsenal, portait les mêmes prénom et nom que ce héros, mais je n'ai aucune idée s'il y a un lien de parenté. <br /> Merci encore pour votre éclairage sur cette période de notre Histoire. <br /> Bien cordialement
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S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. N"hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo). A bientôt.
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F
Très bien :)<br /> Merci
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